Technologies pour traduire la politique alimentaire en production alimentaire durable : Perspectives nationales et régionales sur les partenariats pour assurer la sécurité alimentaire du Canada

Publié le: avril 2024Catégories: Série éditoriale 2024, Éditoriaux

Auteurs):

Emilie Nanne

Bioentreprise

Gestionnaire du développement des affaires et des relations nationales avec les Autochtones

LN Saint-Jacques

La Centrale agricole

Directeur général

Adam Picard Jourdain

Services-Conseils Uashuanashk

La possession

Richard Giunta

LBM AgTech

PDG, co-fondateur

Dr Lakshmi Krishnan

Conseil national de recherches, Canada (CNRC)

Vice-président des sciences de la vie

Kelly Soanes

Conseil national de recherches, Canada (CNRC)

Directeur, R&D

Un collage de cinq portraits, deux hommes blancs, une femme blanche, un latino et une indienne
Clause de non-responsabilité : La version française de cet éditorial a été auto-traduite et n’a pas été approuvée par l’auteur.

Le Canada n’est pas à l’abri du défi de l’insécurité alimentaire. Les familles autochtones, vivant hors réserve au-dessus du seuil de pauvreté (31 %), étaient deux fois plus susceptibles de souffrir d'insécurité alimentaire que les familles non autochtones (Statistique Canada, 14 novembre 2023). Pour les ménages du Nunavut, les niveaux d'insécurité alimentaire devraient atteindre plus de 50 % pour les ménages du Nunavut (Publication n° 2020-47-F).  

La complexité de l’insécurité alimentaire régionale et domestique, dans n’importe quel pays, est directement liée à un certain nombre de désavantages sociaux et économiques, notamment la pauvreté, l’accès et la disponibilité d’aliments nutritifs, la hausse des coûts, la dégradation de l’environnement et les impacts climatiques. Lorsque les communautés disposent d’une production alimentaire durable et autonome, cela permet l’indépendance économique, crée l’autonomisation et renforce la communauté en relevant les défis d’accès aux aliments cultivés dans d’autres juridictions et les perturbations auxquelles sont confrontées les chaînes d’approvisionnement critiques.  

De nombreux fruits et légumes sont cultivés dans les communautés du Nord ; cependant, ils ne restent souvent pas dans la région en raison du manque d'infrastructures de stockage et de transformation. Une grande partie de la nourriture produite est « exportée » vers les régions du sud, avec des quantités limitées de produits transformés retournant sur le site de production. Pour que des aliments plus localisés restent dans la région où ils sont produits, une capacité de stockage et de transformation accrue est nécessaire. Bien que la cible immédiate soit les communautés nordiques et isolées, il existe la possibilité de créer des technologies qui peuvent augmenter considérablement la production et donner accès à une plus grande gamme de produits frais toute l’année à tous les Canadiens. 

La sécurité alimentaire étant un défi complexe, il ne sera pas possible d’y répondre par une solution unique. Cela nécessitera à la fois la création de nouvelles technologies mais aussi l’exploration et l’amélioration des technologies existantes dans les régions. Cette approche profite directement à ces communautés, stimule la commercialisation des technologies existantes et réduit la dépendance à l’égard de la demande constante de R&D dans ce secteur. Pour obtenir des impacts, il faudra un soutien à long terme pour les progrès et les investissements technologiques et infrastructurels, car le Canada est à la traîne par rapport aux autres pays dans ce domaine. À l’échelle internationale, on constate une augmentation des publications, des brevets et des investissements en capital pour des systèmes de production alternatifs, offrant ainsi aux entreprises technologiques canadiennes l’occasion de contribuer à l’intérêt mondial du point de vue de l’ingénierie et des cultures. Les connaissances acquises peuvent être appliquées à la conception de solutions qui répondent aux besoins de production uniques du Canada. Les plateformes technologiques qui déconnectent la production alimentaire de l’environnement sont essentielles pour que les Canadiens puissent bénéficier d’une production régionale tout au long de l’année.  

À l’échelle internationale, plusieurs systèmes alternatifs de production agricole intérieure sont actuellement évalués et déployés. Celles-ci ont le potentiel de relever les défis de la durabilité environnementale et économique grâce à la réduction de la consommation d’eau et des intrants, du recours à des chaînes d’approvisionnement complexes, des incidents de contamination alimentaire, ainsi que des coûts d’emballage et de transport. L'application de ces systèmes aux produits frais peut également améliorer la cohérence nutritionnelle des produits, augmenter la durée de conservation et réduire les déchets tout en augmentant considérablement le rendement par rapport aux pratiques agricoles traditionnelles en plein air. Cependant, plusieurs considérations doivent être prises en compte pour que ces plateformes aient des impacts au Canada, notamment : 

  • infrastructures existantes limitées dans les communautés nordiques et éloignées (p. ex., Internet fiable pour surveiller, gérer et faire fonctionner les systèmes ; accès à l'eau douce, méthodes de purification de l'eau, fourniture d'énergie propre et fiable pour chauffer, éclairer, refroidir et déshumidifier)
  • la viabilité économique des technologies actuelles limite ce qui peut être produit 
  • défis logistiques de la distribution alimentaire 
  • identification des co-dépendances avec tout investissement qui peut constituer un défi au succès à long terme (par exemple, coûts opérationnels, formation professionnelle, maintenance à long terme)

Une solution potentielle consiste à créer un programme pour tester de nouvelles technologies et évaluer les opportunités de marché pour les produits dans ces régions avant d'investir. Cela garantira la durabilité économique, augmentera les chances de succès à long terme et réduira le risque de perturbation de leurs systèmes alimentaires et de leurs économies locales. 

Une autre solution possible consiste à explorer différents modèles opérationnels, tels que les entreprises sociales. Un tel modèle opérationnel a connu du succès dans plusieurs régions du pays, notamment à Montréal, à la Centrale Agricole. Cependant, cela nécessite un investissement et une coordination des parties prenantes. Par exemple : les communautés plus peuplées disposent de différents moyens pour rendre les produits disponibles, notamment les écoles, les itinéraires de transport locaux courts et les marchés du week-end. Ceci est difficile à réaliser dans les communautés à faible population. Un moyen d’atténuer ce problème consiste à explorer des centres ou des réseaux régionaux pour distribuer de la nourriture entre diverses communautés ou à avoir différentes spécialisations entre les communautés afin que chacune ne nécessite pas toutes les expertises. 

En outre, une plus grande attention devrait être accordée aux stratégies régionales de co-développement et de collaboration afin de tirer parti des connaissances, de la science et de la technologie, du financement opérationnel à long terme et des investissements dans les infrastructures, à l’appui des technologies les plus appropriées. Cette approche contribuera à garantir que les stratégies existantes soient mises à profit pour assurer des succès à long terme dans l’ensemble de l’écosystème de l’innovation, notamment les utilisateurs des terres, les producteurs, l’industrie, les fournisseurs de technologie, les organismes scientifiques et technologiques, les gouvernements et les organismes communautaires.  

Les dirigeants communautaires et les gouvernements jouent un rôle en réunissant les partenaires de la recherche et de l’industrie pour créer une masse critique en recherche et développement. De plus, il sera important de comprendre et d’intégrer la culture autochtone dans les solutions garantissant que les besoins locaux et les préférences alimentaires sont pris en compte, comme l’importance culturelle des plantes locales et les cultures qui devraient être adaptées pour une production tout au long de l’année.  

Principales lacunes identifiées : 

  • le manque de programmes agroalimentaires à long terme (financés par le gouvernement); très peu durent plus d’un an – en particulier dans le cas des programmes autochtones ; les processus de candidature sont considérés comme complexes, difficiles à naviguer et inaccessibles pour les communautés éloignées  
  • une meilleure communication est nécessaire sur la disponibilité des options de financement
  • un soutien ou une réduction des exigences en matière de déclaration afin de minimiser le fardeau des petites communautés disposant de moins de ressources 

Certaines suggestions mentionnées qui peuvent aider à permettre l'adoption de nouvelles solutions technologiques comprennent l'éducation et l'engagement des jeunes des communautés du Nord; programmes de financement à long terme; et des options et des cycles de financement plus faciles et plus flexibles. Enfin, un examen régulier des impacts des politiques existantes est également nécessaire pour encourager les aliments produits localement et le développement des économies locales, en garantissant que les aliments importés moins chers ne sapent pas involontairement les efforts locaux visant à fournir des aliments plus frais et de meilleure qualité. 

En résumé, le Canada pourrait bénéficier d’une production régionale accrue d’aliments entiers hautement nutritifs comme les fruits et les légumes. Avec une petite population répartie sur une vaste masse terrestre et une courte saison de croissance axée sur les cultures sur de grandes superficies, la création d'une production tout au long de l'année réduirait notre dépendance à l'égard des importations de produits alimentaires en provenance d'autres pays qui sont confrontés à leurs propres défis liés à la dégradation de l'environnement et au changement climatique.